TVA et organismes de droit public


Principes généraux
Les organismes de droit public, tels que les collectivités territoriales, les établissements publics ou encore les groupements d'intérêt public (GIP), bénéficient d'un régime spécifique en matière de TVA. Ce régime est encadré par l'article 256 B du CGI, qui transpose en droit français les dispositions de l'article 13 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 relative au système commun de TVA.
Article 256 B du CGI : "Les personnes morales de droit public ne sont pas assujetties à la TVA pour l’activité de leurs services administratifs, sociaux, éducatifs, culturels et sportifs lorsque leur non-assujettissement n’entraîne pas de distorsions dans les conditions de la concurrence".



Conditions de non-assujettissement
Le non-assujettissement des organismes de droit public à la TVA, qui déroge à la règle générale d'assujettissement de toute activité de nature économique, repose sur deux conditions cumulatives, telles qu'interprétées par la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) et du Conseil d'État :

  • Exercice de l'activité en tant qu'autorité publique : L'organisme doit agir dans le cadre d'un régime juridique qui lui est propre, distinct de celui applicable aux opérateurs privés. Cela inclut les activités exercées en vertu de prérogatives de puissance publique, dans le cadre d'un monopole ou en raison d'une obligation légale.
Selon la jurisprudence de la CJUE, les activités exercées en tant qu'autorité publique sont celles accomplies par les organismes de droit public dans le cadre du régime juridique qui leur est particulier en vertu du droit national, à l'exclusion des activités qu'ils exercent dans les mêmes conditions juridiques que les opérateurs économiques privés.
Tel est le cas lorsqu'il est fait usage de prérogatives de puissance publique (en ce sens, CJUE 14-12-2000 aff. 446/98 ; CJUE gr. ch. 16-9-2008 aff. 288/07 ; CE 16-2-2015 n° 364793 et Avis CE 12-4-2019).
Il en va de même, selon le Conseil d'État, notamment lorsque l'activité est accomplie en raison d'une obligation légale ou dans le cadre d'un monopole ou encore lorsqu'elle relève par nature des attributions d'une personne publique (Avis CE 12-4-2019).
Lorsqu'une activité économique exercée par un organisme de droit public n'est pas accomplie par celui-ci en tant qu'autorité publique, ce dernier est nécessairement assujetti à la TVA à raison de cette activité, sans préjudice des éventuelles exonérations applicables (CE 28-5-2021 n° 442378 et CE 9-12-2021).

  • Absence de distorsions de concurrence d'une certaine importance : Le non-assujettissement ne doit pas entraîner de distorsions de concurrence significatives, qu'elles soient actuelles ou potentielles. Ces distorsions s'apprécient par rapport à l'activité en cause, indépendamment des conditions locales de concurrence.
Selon la jurisprudence de la CJUE, les distorsions de concurrence d'une certaine importance auxquelles conduirait le non-assujettissement des organismes de droit public agissant en tant qu'autorités publiques doivent être évaluées par rapport à l'activité en cause, en tant que telle, sans que cette évaluation porte sur un marché local particulier.
Les termes « conduirait à » doivent être interprétés en ce sens qu'ils prennent en considération non seulement la concurrence actuelle mais également la concurrence potentielle, pour autant que la possibilité pour un opérateur privé d'entrer sur le marché soit réelle, et non purement hypothétique.
L'expression « d'une certaine importance » doit être comprise en ce sens que les distorsions de concurrence actuelles ou potentielles doivent être plus que négligeables.
(CJUE gr. ch., 16-9-2008 aff. 288/07, Isle of Wight Council et autres)


Notion d'activité économique
Avant d'examiner les deux conditions ci-dessus, il est nécessaire de déterminer si l'activité exercée par l'organisme de droit public constitue une activité économique. Une activité économique suppose une prestation de services effectuée à titre onéreux, avec un lien direct entre la prestation et la rémunération perçue.
Cependant, la CJUE applique des critères plus stricts pour les organismes publics que pour les opérateurs privés, en considérant que l'existence d'une prestation de services effectuée à titre onéreux ne suffit pas pour constater l'existence d'une activité économique.
Selon la jurisprudence de la CJUE, une collectivité territoriale qui fournit un service de transport scolaire, en ajustant la contribution demandée aux parents en fonction de leurs revenus et qui ne récupère, à travers ces contributions, qu'une très faible part des coûts engagés (de l'ordre de 3 %) n'exerce pas une activité économique et n'a donc pas la qualité d'assujettie.
CJUE 5e ch., 12-5-2016 aff. 520/14, Gemeente Borsele


Activités expressément assujetties à la TVA
Certaines activités des organismes de droit public sont automatiquement soumises à la TVA, même si elles sont exercées en tant qu'autorité publique. Ces activités sont énumérées de manière limitative, notamment dans l'annexe I de la directive TVA. Elles incluent, par exemple, les télécommunications, la distribution d'eau, de gaz et d'électricité, ou encore les transports de personnes.

Activités imposables sur option
L'article 260 A du CGI permet aux organismes de droit public d'opter pour leur assujettissement à la TVA pour certaines activités qui, en principe, sont situées hors du champ d'application de cette taxe. Ces activités sont limitativement énumérées et comprennent notamment :

  • La fourniture d'eau ;
  • L'assainissement collectif et non collectif (évacuation des eaux usées et pluviales) ;
  • Les abattoirs publics ;
  • Les marchés d'intérêt national ;
  • L'enlèvement et le traitement des ordures, déchets et résidus, lorsque ce service donne lieu au paiement d'une redevance calculée en fonction de l'importance des services rendus.

    Récupération de la TVA
    Les organismes de droit public qui sont assujettis à la TVA pour certaines de leurs activités peuvent récupérer la taxe grevant leurs dépenses dans les conditions de droit commun. En revanche, pour les activités non assujetties, la TVA supportée en amont n'est pas déductible.
    La TVA supportée sur les dépenses « mixtes » et déductible partiellement, selon un coefficient égal à la proportion d’utilisation pour la réalisation d’activités imposables soumises à la TVA (articles 205 et 206 de l’annexe 2 au CGI).



    Distinctions selon les modalités d'exercice
    Les modalités d'exercice de l'activité influencent le régime de TVA applicable. Par exemple, dans le cadre de partenariats avec des entreprises privées, les collectivités territoriales peuvent être considérées comme des entrepreneurs de travaux et, à ce titre, soumises à la TVA.